• Petit déjeuner chez TiffanyD'accord, ce n'est pas un bouquin bien récent. Mais il figure parmi ce qui se fait de mieux. Pourtant, je ne suis pas une inconditionelle de Capote. Son "De sang-froid" m'avait ennuyé à périr. En revanche, celui-là, quel délice!

    Parce que tout y est: d'abord, il y a les personnages. L'héroïne, bien sûr. L'insaisissable et excentrique Holly Golightly, véritable animal sauvage, comme elle se décrit elle-même: "On ne peut pas s'attacher à une bête sauvage. Plus vous le faites et plus elle reprend des forces jusqu'à qu'elle en ait assez pour retourner dans les bois ou grimper à un arbre, puis à un arbre plus haut, et finalement c'est le ciel". Autpur de cette tornade gravitent des éléments calmes (le narrateur) et une faune interlope, celle des milieux fêtards, équivoques et très superficiels de la nuit new-yorkaise.

    Le récit, écrit à la première personne, est vivant, drôle, truffé des commentaires acides de cette langue de vipère qu'était Capote. Qui donc a bien pu lui servir de modèle dans sa description de Rusty Trawler, le milliardaire homo refoulé? "C'était un enfant d'une cinquantaine d'années qui n'avait jamais éliminé sa graisse de bébé, bien qu'un tailleur de génie eut à peu près réussi à camoufler un derrière rebondi qui appelait les fessées".

    Le talent de Capote, c'est aussi de savoir camper une ambiance, un personnage, en quelques coups de pinceau: " La pièce dans laquelle nous nous tenions debout parce qu'elle ne comportait rien pour s'asseoir donnait l'impression que l'on venait tout juste d'y emménager. On s'attendait à y respirer une odeur de peinture fraîche. Des valises et des caisses d'emballage vides en constituaient le seul mobilier. Les caisses servaient de table, l'une pour préparer les martinis, l'autre pour une lampe, un tourne-disque portatif, un téléphone, le chat écaille de Holly et uen coupe de roses jaunes."

    En fait, tout le charme du roman tient en ces quelques lignes. Une ambiance de bohème, de lendemain incertain, sans rien de glauque, bien au contraire. Les pointes de tristesse sont soigneusement habillées d'ironie, c'est tout l'art de Capote. A lire dans modération.






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