J’aime beaucoup Alix de Saint-André. Son premier roman écrit pour se désintoxiquer de l’éducation reçue chez les sœurs (L’Ange et le réservoir de liquide à freins), un polar, m’avait enchanté. De même, Papa est au Panthéon ou Les Archives des anges furent deux livres marquants. Car Alix de Saint-André a un style, une voix, un regard très humain et un humour qui fait mouche. Elle est truculente, décomplexée et vive.
Avec En avant, route ! – un titre emprunté à Rimbaud –, elle raconte ses deux pèlerinages à Saint-Jacques-de-Compostelle.
La première partie, « Bécassine chez les pèlerins », est attachante voire édifiante car dans une telle marche, on sort transformé malgré soi, malgré les transformations imaginées.
On s’arrête dans les églises pour allumer un cierge, dans les PMU pour boire une bière (et comme elle aime la bière, Alix de Saint-André !), on passe d’étape en étape, de gîte en gîte où il faut choisir le lit superposé : en haut on fait tout tomber, en bas on est sûr de se cogner. Il y a là les ronfleurs, les causeurs, les concentrés, chacun avec sa petite histoire qui alourdit le sac à dos, ses bobos qui pèsent sur les reins et engourdissent les pieds. Les pieds ! Le premier souci du marcheur. On voit un homme emmené d’urgence à l’hôpital pour cause d’ampoules trop douloureuses.
On marche, on rit, on boit, on souffre, on prie. Passent les paysages, les petites mesquineries et les gens qu’on croise et qu’on recroisera. Peu à peu, on se dépossède de soi-même. On s’offre et, curieusement, presque imperceptiblement, on reçoit. Tout devient grâce.
Ce serait bien réussi, cet En avant, route ! si Alix de Saint-André ne racontait pas le second pèlerinage où elle n’a plus les yeux innocents qui découvrent. Certes, il y a les paysages, mais dans un goût de déjà vu ; les Landes, pays mortel d’ennui, les Pyrénées, Roncevaux qu’elle crapahute avec bonheur malgré la pluie du matin. Et là, on s’ennuie. La galerie de portraits rencontrés a perdu en férocité, en naturel. Il manque le tourbillon final qui aurait récapitulé le chemin dans la folie à laquelle l’auteur nous avait habitués. Il y a certes la belle rencontre de Pascal, un Nantais qui voyage avec un âne, Pompom, qu’Alix cherche à dompter, elle la palefrenière en chef. Mais ça ne prend plus vraiment. Pourquoi ? Je mets cela sur le compte de l’éditeur qui s’appuie sur les succès passés ou qui n’ose pas faire retravailler son auteur, ou qui n’en prend pas le temps, ou qui prend cyniquement un manuscrit en se disant que cela ne durera qu’un temps.
En avant, route ! Chère Alix de Saint-André, je vous en prie, relevez-vous. Le sujet est beau, l’auteure est sûre. Mais à trop vouloir en dire, on allonge le chemin de la liberté et celui-ci est long, trop long à s’essouffler les yeux. Dommage
EN AVANT ROUTE !, Alix de Saint-André Éditions Gallimard, 307 p., 19,50 € (avril 2010)