A mi-chemin entre le conte et la satire grinçante, 'Chamboula' est un de ces livres qu'on regretterait de n'avoir pas lu. Son style et sa construction sont d'une maîtrise impressionnante et son propos touche en plein coeur. 'Chamboula', c'est l'histoire du Village Fondamental qui va être chamboulé (donc) par l'arrivée de l'Homme blanc et de sa précieuse modernité. Raconté avec candeur, le délitement de la vie communautaire, du respect des ancêtres et des rôles ancestraux va peu à peu faire place à une société bouleversée, le tout au nom du progrès.
Mais ce sont bien la corruption et l'individualisme qui se cachent derrière les grands mots, et s'insinuent dans le coeur des habitants. Puis chaque personnage part, à sa façon, et le roman se divise en autant de possibilités de destins, flash-backs et bonds en avant. Pas toujours claire, cette construction a le mérite de pointer les liens de cause à effet et surtout la fatalité, la marche d'un progrès qui, malgré toutes les tentatives, contamine les valeurs.
Fournel offre un panel de personnages profonds et purs, mais il semblerait que le monde ne se divise finalement qu'en deux camps : les idéalistes et les corrompus. Nul besoin de préciser quel camp va gagner puisque cette société est la nôtre : les traditions sont bafouées, le mysticisme méprisé, les idéalistes exploités et les pourris récompensés. D'une innocence désarmante, et c'est là sa plus grande arme, 'Chamboula' est un livre très dur qui n'accorde aucun pardon à la course à l'enrichissement dans laquelle le monde s'est enfermé.