mon univers de lectures
Le journaliste yankee Ted Stangerest-il bien placé pour se permettre de nous jauger, nous les "Gaulois" comme il aime à nous appeler, au point de consacrer un livre entier à l’inventaire de nos petits travers et de nos grands paradoxes ?... N’en déplaise à ceux qui pourraient se sentir offusqués à la seule idée qu’un gaillard échappé de son Ohio natal vienne nous faire la leçon, nous répondrons à cette question par l’affirmative.
"L’antiaméricanisme français n’est pas une valeur à court terme. Il est ancré dans l’Histoire", prétend le chercheur au CNRS Philippe Roger. Peut-être, mais pourquoi tant de haine ? Une telle aversion s’expliquerait notamment par la crainte de l’américanisation culturelle, ou comme dirait l’autre, "la macdonalisation des esprits". Et c’est vrai qu’il y a de quoi s’inquiéter quand on constate l’expansion de par le vaste monde de la langue de Shakespeare dans le même temps que celle de Molière périclite. Ce que nous n’apprécions pas en vérité, c’est d’être défiés par les gringos dans les domaines où nous sommes sensés exceller. Surtout ces Ricains qui pillent sans vergogne notre savoir-faire, les studios Disney s’emparant de notre patrimoine hugolien, Hollywood revisitant Les Visiteurs et autres chefs-d’oeuvre cinématographiques, l’art contemporain outre-atlantique s’enorgueillissant d’avoir absorbé Marcel Duchamp pour mieux en extraire la substantifique moelle. En plus de tout ça, voilà qu’ils nous narguent en terme de littérature, car franchement, qui pouvons-nous leur opposer face à leurs Philip Roth, Don DeLillo, Jonathan Franzen ou autre Russel Banks ?
D’autre part, notre beau pays des droits de l’homme conduirait à l’encontre de l’immigration une véritable "politique de l’autruche".Car si nous nous vantons de notre poly-ethnicité, principalement lorsqu’il s’agit de ballon rond et de "France qui gagne", nous ne cherchons pas à apprécier dans le détail la réalité de pareil brassage cosmopolite, à ce point qu’il est pratiquement interdit de collecter des statistiques suffisamment explicites pour que l’on connaisse au moins le nombre approximatif de couples mixtes. En fait, cette frilosité se conçoit essentiellement par la peur de se confronter à un authentique bouleversement démographique, et c’est d’ailleurs pour cette raison que l’on préfère proposer en guise de vitrine au reste de la planète cette sempiternelle image blanchie suintant la vieille France du temps béni des colonies. "Certes, on n’en est plus à l’époque où Marcel Dassault interdisait dans Jours de France les photos de mannequins noirs. Mais parmi les présentateurs du JT ou les animateurs d’émission, combien de visages de Maghrébins, d’Africains ou d’Asiatiques ?" D’où le combat de Calixthe Beyala pour une meilleure représentativité des minorités, revendication finalement pas aussi anodine qu’elle n’y paraît.
à suivre ..